Dans l'action de peindre un tableau, mes yeux et mes mains cherchent simplement à capter la beauté
Peu de choses suffisent à expliquer ma démarche artistique : je recherche pour l'oeil la beauté, et pour l'âme la bonté et la grâce. La beauté dénuée du sentiment de bonté s’apparente pour moi à la décoration. La grâce est souvent perceptible avec un brin de dissonance, dans le figuratif comme dans les tableaux abstraits.
Quand la beauté se marie avec la bonté, j’appelle cela la douceur. Et quand un tableau donne à sentir la douceur, il n'y a plus de dissonance, on en perçoit juste la trace. Alors tout n'est pas visible mais plutôt ressenti; c'est peut être justement cela qui est beau.
Quand je peins un tableau, j'aime sentir une fluidité dans le geste
Je peins un personnage, un animal, ou une abstraction. Quand la beauté veut bien s'approcher, il se passe quelque chose : je me sens vivante, prise dans un flux qui me dépasse et m’indique à l’instant présent où, comment, quelle forme et quelle couleur poser là sur le tableau. Pour qu’il s'arrête au beau, ou juste un peu en-deçà.
Alors, sans passer par la compréhension, le tableau agit, et peut dynamiser ou apaiser, selon ses zones de mouvements et de ruptures.
Il arrive que dans mes tableaux figuratifs, j’en appelle à la fonction la plus archaïque de l’œuvre d’art, celle qui transmet la force ou la caractéristique évoquée sur le tableau : un art où la statuette de maternité rendrait fécond, où l'éléphant donnerait force et ancrage. Pour les tableaux abstraits, un art où le mouvement, les couleurs et les formes feraient vibrer les membranes intérieures.
Mes tableaux se situent dans et en dehors du marché de l'art
Je n'ai aucune étiquette, ni classification dans telle ou telle veine artistique. Une galeriste m'a un jour expliqué :
"Les collectionneurs n'ont aucun repère sur ton style, et doivent se débrouiller avec leur seul regard devant tes éléphants, tes couleurs. Mais quand ils réussissent à poser leur bagage et à entrer dans ce territoire, ils planent. Des aficionados ou des indifférents, voilà, pas de milieu!"
Chouette finalement, ça me va.
Libérée du souci de cohérence, je me permets de confronter un tableau d'éléphant à une recherche abstraite, de faire cohabiter un triptyque de couleurs vives avec un grand format noir et blanc minimaliste.
Les liens entre tout cela? Juste ce que j'ai voulu faire, que j'ai pu mener à bien et arrêter à temps. Des successions d'arrêts sur images. Le beau, le bon. Quel métier de rêve quand même!
La simplicité transparait dans mes tableaux. Ce ne sont pourtant pas des tableaux spontanés.
Ma peinture est menée lentement. Comme le nombre d’or, la douceur semble évidente. Mais comme le nombre d’or, sa maîtrise exige du travail. En cela aussi, elle est belle. Elle n’échappe pas au doute, aux ruptures et aux pentes raides. La douceur est complexe. Je garde secrètes les batailles que j’ai livrées avec ma toile et mes couleurs pour que ce sourire et cette bonté émanent d’une femme à robe rouge, pour que la marche tonique de cet éléphant transmette de la joie.
La laideur vient d’emblée, la violence n’attend pas, les chocs de couleurs sortent spontanément des tubes… Restent les jours, les mois les années, la patience des gestes …et la beauté survient.
Aujourd’hui, ni le beau, ni la bonté ni la douceur ne sont appréciées dans l’art médiatisé. Nous restons souvent en occident, et particulièrement en France, sur le terrain d’un art de la contestation ou de la provocation. C'est ainsi, pour le moment.
Les modes et les tendances sont d’éternels cycles de recommencement. La douceur est puissante, elle reviendra. Malgré les complexités du savoir et du paraître, nous avons au fond de nous un besoin viscéral de beauté et d'harmonie, un territoire intérieur qui a soif et demande grâce.
Oui, c’est cette soif que je ressentais enfant, petite fille dans mon doux terroir de l’ouest. Quand j’observais les animaux, les fleurs et les arbres, leurs formes parfaites me désaltéraient comme une eau vive. Je choisissais la belle partie du cosmos. Essayons de continuer.
Pourquoi des éléphants?
L'éléphant est présent depuis 2002 dans mes toiles. Je l'apprécie pour sa puissance, son ancrage à la terre et à l'eau. Il est massif et fort tout en étant herbivore et non prédateur, cela me plait.
Et puis quelle esthétique et quelle richesse de gestes sociaux! Je ne peux m'empêcher de le trouver tellement humain, ce sacré éléphant. C'est pour cela que je le traite comme un personnage dans mes tableaux.
MP Lascaux - Sur le chemin
Technique mixte, 40X40cm
Qui sont mes personnages?
En ce moment je peins la femme dans son côté lunaire, proche des cycles de la nature. Elle est à la fois intervenante, et en retrait par rapport à son projet. Acteur et observateur dans la toile.
Ce triptyque "Au-delà de mes espérances", inspiré du vilain petit canard, est un bon exemple.
MP Lascaux - Au delà de mes espérances.
Triptyque jaune rose et blanc, 3 toiles de 40X80cm
Et les autres animaux?
Comme je l'expliquais ci dessus, en peignant des tortues et des escargots, c'est à la fonction la plus archaïque de l'oeuvre d'art que je fais appel : transmettre la force ou la caractéristique du sujet évoqué sur le tableau.
Les animaux sont mis en scène comme des totems : à force de la regarder et de s'en imprégner, la tortue apporte sa capacité d'auto-protection et nous apprend à profiter de chaque étape du chemin, lentement... Le temps devient l'élément le plus précieux car le plus rare dans nos vies agitées.
C'est pourquoi je me ressource particulièrement en composant et en regardant des visuels qui m'évoquent une force de progression dans la lenteur.
J'aime aussi la fluidité harmonieuse des poissons, leur force humble et discrète, et qui représente le symbole des chrétiens de la première heure.
Tous mes tableaux en contiennent un, discret, peint ou gravé dans la matière. Et petit ou grand, seul ou en nombre, il est toujours là.